LE LANDAIS VOLANT (1. Conversation avec un margouillat), de Nicolas DUMONTHEUIL, chez FUTUROPOLIS (juin 2009)
L'altruisme à l'épreuve de l'altérité
"Jean-Dextre Pandar de Cadillac. Qui est-il? Il serait bien ardu de répondre, tant il est de choses... Lui-même préfère parler des autres. Les Autres, telle est la quête du baron!"
Un humaniste gascon
Quand il se présente, Jean-Dextre se définit comme humaniste gascon, venant du pays des Droits de l'Homme. A travers le Mali, le Burkina Faso, puis le Bénin, il écoute, le coeur ouvert, les larmes aux yeux (c'est qu'il est hypersensible!), avec humilité, les leçons de l'Afrique.
Certes, il n'aime pas les Anglais (ses ancêtres les ont boutés hors de France), ni les voisins Béarnais, mais il est prêt à aimer les Africains. Dans l'avion, il a un peu peur de lui-même...
Mais c'est surtout du côté des faits que le rêve s'effrite.
Jean-Dextre est gauche
Ce cliquetis, qu'il prend pour de la "world music", c'est un corps estropié qui le produit.
Cette femme qu'il effleure du regard sans s'autoriser à la convoiter parce que sa beauté est aux dimensions de l'univers marchande ses charmes.
Ce mendiant à qui il a donné un gros billet tiré de sa poche le refuse de peur d'être désoeuvré pour le reste du jour.
Et en même temps qu'il déchante, Jean-Dextre se rend bien compte que son racisme est là, pas si profondément enfoui sous les beaux sentiments, prêt à surgir à la moindre exaspération.
Une histoire sans gravité
Cet album est savoureux car on y découvre l'Afrique avec Jean-Dextre sans misérabilisme, sans jugement, sans démonstration.
Le baron n'est pas un homme "light": sa famille, son éducation, sa région, ses lectures (Tintin bien sûr) sont autant de centres de gravité. Mais l'histoire n'est jamais grave. Sans la moindre lourdeur, elle suit un homme qui entre dans la gravité des autres, fait de son mieux, et d'orbite en orbite plonge de plus en plus dans son expérience... jusqu'à y perdre un partie de lui-même.
Le dessin
Le dessin de Nicolas Dumontheuil n'est plus à vanter: il n'est pas sage, c'est le dynamisme même, plein de fantaisie au sens où l'imagination investit le réel.
Pas de cartes postales, et en même temps nous sommes en Afrique: on la regarde si regarder ne veut pas dire être voyeur, mais prendre sous sa garde.
Dumontheuil est encore plus à l'aise quand il évoque la magie sonore de la nuit ou les rituels vaudou.
Ce qui rappelle quelques belles pages de Big Foot, avec ici deux cases extraites du tome 2, planche 27, et qui permettent mutatis mutandis de se faire une idée du trait.
Bonne lecture.