Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mon actualité de la bande dessinée
Mon actualité de la bande dessinée
Publicité
Archives
Mon actualité de la bande dessinée
27 août 2009

ART ET BD : ROY LICHTENSTEIN ET LES COMICS

Lichtenstein_Whaam__1963_copieIntention

A la recherche de ce qui fait la singularité de la BD comme art, nous pouvons commencer par en voir les particularités.

Parmi elles, le fait qu'elle dépend d'une industrie, et qu'elle partage tous les traits d'un objet de consommation courante. Sa diffusion impose des contraintes techniques liées à des impératifs de coût. Par ailleurs, elle implique un nombre de personnes qui, sans concurrencer un  générique de film, dépasse largement le cadre d'un atelier d'artiste.

Cela fait un écart très significatif avec l'opinion généralement reçue sur un art comme la peinture qui passe pour produire dans une alchimie individuelle des oeuvres uniques. Grosso modo, c'est la tâcheron mercenaire face au génie désintéressé.

Que peut-on alors apprendre de la rencontre de la BD et de la peinture quand presque tout a priori les oppose?

Quitte à enfoncer des portes ouvertes, je vous invite à partir de l'exemple du peintre Roy LICHTENSTEIN, puisque non content de reprendre les thèmes des comics, il met l'accent sur les techniques d'impression à moindre coût, combinant aplats et points de trame.

Téléportation

Nous sommes à la fin des années 1950. Vous vous appelez Roy Lichtenstein, mais vous n'êtes pas encore le Roy Lichtenstein.

Jusqu'à présent, vous avez vécu votre vie d'artiste dans l'ombre de Picasso, Braque et Klee, les premiers maîtres qui ont inspiré vos travaux semi abstraits. Puis, vous essayant à l'expressionnisme abstrait, vous êtes resté dans celle de Motherwell, Newman et de Kooning. Enfin,  vous êtes resté en marge des "happenings" de votre collègue de travail Allan Kaprow, et des travaux de deux autres émules de John Cage, Robert Rauschenberg et Jasper Johns.

Vos expositions et votre enseignement vous ont permis de joindre les deux bouts, mais aujourd'hui, votre attention a été attirée par les papiers des chewing-gums que vous avez achetés à vos enfants, et vous avez décidé d'en reproduire les dessins en grand format.

Bazooka_Joe  Fleer_Funnies

En même temps, vous vous rappelez que vous avez déjà, par plaisanterie, reproduit des personnages de Disney, et, en 1961, vous peignez en très grand format et à coups de grand aplats d'acrylique, "Regarde Mickey" qui confirme votre attention pour les trames d'imprimerie.

Lichtenstein_Look_Mickey_1961_copie

Là, vous doublez Andy Warhol qui a eu la même idée que vous, mais est arrivé trop tard chez le galeriste (le marchand?) Léo Castelli qui va vous assurer une renommée internationale durable en plaçant vos oeuvres inspirées de comics auprès de collectionneurs importants.

Bricolons un peu

Imaginons que nous avons du talent et que nous pouvons pasticher Lichtenstein.

Commençons par choisir un support. Je vous propose une case de Star Trek (Le commencement de la fin, DC Comics, Aredit, 1985, 7x5cm).

Licht_01_copie

Cela permet de bien comprendre ce que sont les Ben Day dots, les points de trame qui, par la combinaison de trois couleurs, permettent d'obtenir des effets de variété et de volume crédibles à moindre coût.

Licht_02_copie

Les chairs sont la combinaison de points rouges et jaunes. Les points rouges et bleus de l'appareil au coin inférieur droit sont les mêmes que l'on retrouvera dans le fameux "Whamm!" sur les flancs de l'avion.

Lichtenstein_Whaam__1963_det01_copie     Lichtenstein_Whaam__1963_det02_copie

Comme il va falloir simplifier tout cela, ôtons momentanément les points de trame (je fais ce que je peux avec la souris sous Photoshop Elements, donc vous imaginez que j'ai fait aussi la manip' pour la chevelure du capitaine Kirk!).

Licht_07_copie

Je propose ensuite de recadrer en choisissant un format carré. Le coin inférieur droit risquant d'être un peu vide quand la machine, peu lisible hors-contexte, aura disparu, je pense qu'il faut agrandir un peu le personnage de second plan.

Licht_08_copie     Licht_09_copie

Les personnages repris par Lichtenstein étant rendus complètement lisses, hop! plus d'oreilles pointues ni de sourcils d'une autre planète. La trame de la bouche et l'ombrage sont remplacés par un aplat de rouge.

Licht_10_copie     Licht_11_copie

On enlève les morceaux de bulles, la machine, on plaque une trame régulière simple qui ne cherche pas à faire illusion mais se montre comme telle, et on pose par exemple un jaune vif dans le fond. Puis on replace l'une des bulles dont il faudra régulariser la forme et revoir le lettrage.

Licht_13_copie     Licht_18_copie

Et comme le coin inférieur droit est décidément vide, on peut le combler (très ironiquement bien sûr) avec un élément emprunté à Roy Lichtenstein lui-même (Mad scientist, 1963, Magna sur toile, 127x151cm, Cologne).

Licht_23_copie

Passage à l'acte

Reste à réaliser l'oeuvre. Choisissez une toile de bonne taille; au minimum 106x106cm, mais cela peut aisément se doubler.

Au moyen d'un vidéoprojecteur, projetez l'image sur la toile et tracez bien les contours au crayon.

Procurez vous des couleurs acryliques primaires (marque Magna chez Lichtenstein) à utiliser comme à la sortie du tube ou de la bouteille. Posez les aplats de couleurs sans hésiter à laisser apparaître les coups de pinceau et surtout les traces de crayon qui attesteront (ironiquement) de votre mépris pour tout travail trop léché.

Puis vous prendrez votre plus beau noir pour tracer tous les contours en n'hésitant pas à les épaissir.

Pour finir, procurez vous une grille perforée chez votre Bricomachin préféré, et au moyen d'une brosse-à-dents plongée dans la couleur adéquate, faites votre petit travail de pochoir pour les trames. Comble du détachement (et de l'ironie), vous pouvez affirmer haut et fort (non sans un humour sophistiqué et glacé) que d'ailleurs vous laissez ce travail fastidieux à un assistant car vous préférez vous concentrer sur votre prochaine création (non moins pleine d'ironie).

Licht_23_copieBilan

Il est assez symptomatique de voir que, même quand il s'agit de pop-art (populaire!), on ne mélange pas les torchons et les serviettes (j'ai abusé du mot ironie vers la fin parce que son utilisation des dizaines de fois dans les interviews de Lichtenstein ou les monographies (hagiographies?) sur l'artiste est consternante, l'autodérision n'allant pas jusqu'à brader les oeuvres ou laisser la moindre faille dans leur protection intellectuelle!).

Nous n'avons pas trouvé ce qui fait la singularité de la BD, puisqu'elle reste ici une occasion et un prétexte. Nous avons vu comment certaines de ses particularités pouvaient être repérées puis détournées, mais cela ne touche finalement que ses poncifs, ses facilités, ou parfois ses ridicules.

Il faudra sans doute se pencher sur l'original de BD, sur la planche avant impression. Accrochée (de plus en plus) aux cimaises d'un musée ou aux murs d'un collectionneur, a-t-elle le même statut qu'un tableau?

Opposera-t-on de la même façon l'original à la copie ou au faux? Est-ce la signature qui en fait l'authenticité, ou le fait qu'elle ait été publiée (ce qui ferait un bien joli renversement, vous en conviendrez!)?

Je n'ai pas les réponses à ces questions!!! N'hésitez pas à laisser vos commentaires...

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité